UTILISATION DES METHODES NON-ANIMALES DANS LA RECHERCHE ET LA REGLEMENTATION : DEMANDE D’UNE MISSION D’INFORMATION
Mission de contrôle
UTILISATION DES METHODES NON-ANIMALES DANS LA RECHERCHE ET LA REGLEMENTATION : DEMANDE D’UNE MISSION D’INFORMATION
La France est parmi les trois plus grands utilisateurs d’animaux à des fins scientifiques en
Europe. On constate qu’en 2019, 1,9 millions d’animaux a été utilisé en France dans des
expériences. A ce chiffre, il faut ajouter 2,1 millions d’animaux détenus mais non utilisés, soit
4 millions d’animaux au total sur une seule année.
Dans le contexte d’une prise de conscience croissante de la sensibilité des animaux, l’Office
parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a réalisé une
audition publique le 17 janvier 2019, intitulée « L’utilisation des animaux en recherche et les
alternatives à l’expérimentation animale : état des lieux et perspectives ». Cette audition sous
forme de table ronde a permis un échange constructif entre scientifiques utilisant les animaux
dans leur travail de recherche, des scientifiques impliqués dans la réglementation de
l’expérimentation animale, ainsi que des représentants d’associations.
Cependant, cette audition, qui n’a duré qu’une matinée, n’a permis aux intervenants de ne
faire que de très courtes présentations. De plus, mise à part le rapport des conclusions du 21
mars 2019, aucune suite n’a été donnée à cette initiative pourtant importante lancée par
l’OPECST.
En janvier 2018, une proposition de résolution tendant à la création d’une commission
d’enquête sur la validité du modèle animal dans la recherche avait été présentée par le député
Mr Nicolas Dupont-Aignan, également restée sans suite.
Aucune autre initiative au niveau national n’a malheureusement suivi depuis, alors que de
nombreuses questions sur l’expérimentation animale se posent toujours et que différentes
méthodes non-animales couvrant de plus en plus de domaines sont reconnues au niveau
européen et international.
Concrètement, une mission d’information serait un premier pas vers une meilleure prise de
conscience et une meilleure connaissance des méthodes de remplacement à l’utilisation des
animaux à des fins scientifiques au 21 ème siècle ; ceci, pour les trois domaines suivants :
1. Dans le cadre de l’enseignement. Citons la députée Mme Samantha Cazebonne lors
de l’audition de l’OPECST : « En France en 2016, 34 000 animaux ont été tués à des
fins éducatives. La même année, les universités et centres de formation britanniques
n’ont utilisé que 1 422 animaux. J’ajouterai qu’en France, le nombre d’animaux
utilisés pour l’enseignement et la formation a augmenté de 31 % depuis 2010. Et
pourtant, on ne saurait prétendre que les étudiants britanniques sont moins bien formés
que les étudiants français. Comment expliquez-vous cet écart de 1 à 20 ? »
2. Dans le cadre de la réglementation. Il existe de plus en plus de méthodes de
remplacement pour tester des médicaments destinés à l’homme, tels que les cultures
cellulaires en 3D, les cellules souches d’origine humaine, les déchets chirurgicaux
humains normalement destinés à l’incinération, les organoïdes et les organes sur
puces, ou encore les systèmes d’imagerie et les méthodes in silico. Ces technologies
s’avèrent plus performantes et plus pertinentes pour la santé humaine que les tests sur
les animaux. En effet, dans sa résolution TA(2021)0387 adoptée le 16 septembre
2021, le Parlement européen considère que « la panoplie de modèles
d’expérimentation ne recourant pas aux animaux s’étoffe et montre qu’il est possible
d’améliorer notre compréhension des maladies et d’accélérer la découverte de
traitements efficaces » s’appuyant notamment sur le rapport 2021 « Review of non-
animal models in biomedical research - Neurodegenerative Diseases » du Centre
commun de recherche (JRC) de la Commission européenne qui indique « qu’une forte
dépendance à l’expérimentation animale peut entraver les progrès dans certains
domaines de la recherche sur les maladies ». Pour des raisons liées à la
réglementation, ces méthodes non-animales doivent dans un premier temps subir un
processus de validation. Seuls les industriels ont les compétences et les finances pour
faire valider ces nouvelles méthodes, mais les ignorent largement ; tout comme sont
ignorées les méthodes sans animaux pourtant déjà validées. Cette situation mérite
d’être examinée, du fait qu’elle va à l’encontre des propositions de la Directive
européenne 2010/63/UE concernant l’impératif d’utiliser les méthodes alternatives
existantes.
3. Dans le cadre de la recherche fondamentale. La recherche fondamentale impliquant
l’utilisation des animaux à des fins scientifiques représente au moins 50% de toute
expérimentation animale. Il s’agit principalement d’études pratiquées par des
chercheurs universitaires et des chercheurs dans des instituts de recherche. Si
l’utilisation des animaux reste une exigence dans le cadre de la réglementation liée à
l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un nouveau médicament, ce n’est pas le
cas dans le cadre de la recherche fondamentale où le chercheur peut choisir de ne pas
utiliser des animaux. Or, le manque d’utilisation de méthodes sans animaux est
flagrant. Il est important de signaler le rôle des comités d’éthique dans cette rubrique,
puisque ceux-ci donnent un avis favorable quasiment à toute demande d’étude
impliquant des animaux. Il faudra revoir la composition des comités d’éthique, vu le
manque de représentation de la société civile ou d’experts sur les méthodes de
remplacement.
Pour ces raisons, dans ce contexte d’une prise de conscience sociétale croissante, une mission
d’information nous paraît pertinente et nécessaire permettant un état des lieux à la fois de
l’utilisation, en France, des animaux à des fins scientifiques dans les domaines de l’éducation,
de la réglementation et de la recherche, et de la mise en place effective des méthodes non-
animales dans ces trois domaines.