Proposition de loi visant à conférer à la Région Bretagne des compétences fiscales expérimentales pour lutter contre les déserts médicaux
Texte législatif
Proposition de loi visant à conférer à la Région Bretagne des compétences fiscales expérimentales pour lutter contre les déserts médicaux
Proposition de loi visant à conférer à la Région Bretagne des compétences fiscales expérimentales pour lutter contre les déserts médicaux et l’habitat insalubre.
Exposé des motifs :
La Bretagne fait face à une forte tension concernant l’accès aux soins, particulièrement dans les zones rurales et littorales. Parallèlement, la pression foncière liée à la multiplication des résidences secondaires, conjuguée à un nombre important de logements vacants, aggrave la précarité résidentielle sans apporter de retombées directes aux services publics locaux, notamment en santé et hygiène.
Cette proposition de loi s’inscrit dans une dynamique politique régionale claire. En avril 2022, le Conseil régional de Bretagne a adopté à une large majorité (75 voix sur 83) un vœu appelant à une autonomie législative, réglementaire et fiscale pour la région, dans le cadre de l’unité républicaine. En octobre 2024, dans un contexte de crise sanitaire, la Région a confirmé sa volonté d’agir pour garantir un accès équitable aux soins, notamment par le financement de centres de santé et de contrats médicaux adaptés.
Selon la CARSAT, en 2024, plus de 500 communes bretonnes ont un taux de non-recours au médecin généraliste supérieur à 10 % sur deux ans, un chiffre ayant doublé depuis 2018. Les doléances des habitants des Côtes-d’Armor soulignent l’éloignement des structures de soins, obligeant à de longs déplacements, avec un renoncement aux soins croissant.
Face à la crise de la médecine libérale, les centres de santé des Côtes-d’Armor, qui emploient une cinquantaine de médecins salariés, affichent en 2025 une dynamique encourageante, avec dix postes supplémentaires prévus. Ce modèle rencontre un succès particulier chez les jeunes médecins et les praticiens proches de la retraite, marquant une préférence pour le salariat plutôt que l’exercice libéral traditionnel. Nombreux sont les médecins libéraux réticents à s’installer dans les zones peu attractives, mais favorables au salariat à temps partiel dans des zones sous-dotées, contribuant ainsi à un accès équitable aux soins.
Cette expérience trouve un écho similaire en Occitanie, où 22 centres de santé ont été créés dans le cadre du programme « Ma santé, Ma Région », avec 100 médecins recrutés en trois ans, un nombre appelé à doubler via un Groupement d’Intérêt Public. Ces initiatives démontrent l’efficacité d’un pilotage territorial renforcé pour lutter contre les déserts médicaux via le salariat.
Les études sur l’installation des médecins en zones rurales soulignent que l’origine rurale est le principal facteur prédictif : être né et avoir grandi en milieu rural favorise l’exercice dans ces zones. Certains pays, comme l’Australie, ont adopté une politique proactive de sélection des étudiants en médecine à partir de zones rurales. En France, les jeunes des zones médicalement sous-dotées rencontrent des obstacles liés à l’éloignement des facultés, au coût des études et au manque de confiance en leur réussite, freinant leur orientation vers la médecine.
Cette proposition vise donc aussi à financer des dispositifs de formation initiale et continue en médecine, soins infirmiers et professions paramédicales pour les jeunes bretons, afin de susciter des vocations dans les territoires les plus affectés par la diminution de l’offre de soins et l’affaiblissement du service public hospitalier.
Pour répondre à ces enjeux, la loi propose de confier à la Région Bretagne la compétence de percevoir une Taxe Sanitaire Spéciale (TSS) destinée à financer un Établissement Public de Santé Régional (EPSR), sur le modèle de l’Établissement Public Foncier Régional (EPF) et de la Taxe Spéciale d’Équipement (TSE).
Les recettes de cette taxe financeront deux missions : renforcer l’offre médicale publique, notamment dans les zones sous-dotées, et lutter contre l’habitat insalubre via les services d’hygiène, de santé et de désinfection de l’EPSR.
Cette mesure est urgente : environ 60 000 logements bretons sont potentiellement indignes, soit près de 10 % du parc régional. En 2023, seules 23 rénovations ont été soutenues par l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH), montrant l’insuffisance des dispositifs actuels. Ces logements, majoritairement en milieu rural, sont souvent occupés par des propriétaires modestes peu éligibles aux aides, et par des locataires confrontés à des procédures complexes et au manque de services publics locaux.
Un logement indigne ou insalubre est défini comme une habitation présentant un danger avéré ou un risque sérieux pour la santé ou la sécurité des occupants.
Il est donc crucial de doter la Région Bretagne de nouvelles compétences, par une première série de mesures expérimentales. Cette initiative pourrait préparer une loi-cadre instaurant une autonomie différenciée pour la Bretagne, semblable aux dispositifs de la Collectivité européenne d’Alsace, de la Métropole de Lyon ou du Conseil de Paris. Demandée de longue date, cette loi-cadre offrirait un levier constitutionnel pour bâtir durablement un nouveau contrat territorial républicain, adapté aux spécificités bretonnes.
Enfin, cette proposition s’appuie sur le droit à l’expérimentation des collectivités territoriales, reconnu par l’article 72 de la Constitution, avec pour objectif une généralisation ou pérennisation après évaluation parlementaire.
Article 1er
L’article 1407 ter du Code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La Région Bretagne peut instituer, par délibération, à titre expérimental, une taxe sanitaire spéciale (TSS) affectée au financement de l’Établissement public de santé régional (EPSR) explicité à l’article 2.
La TSS n’est pas un impôt additionnel visible directement par le contribuable, mais une quote-part intégrée aux impôts directs locaux suivants :
– la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les logements vacants ;
– la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;
– la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) ;
– la cotisation foncière des entreprises (CFE).
Le montant global de la taxe est fixé annuellement par le conseil d’administration de l’EPSR, dans les limites prévues par décret. Elle est ensuite répartie entre les différents impôts précités au prorata de leur produit fiscal de l’année précédente.
Les modalités de perception, de reversement et de transparence sont précisées par décret en Conseil d’État. Cette ressource pérenne vise à garantir le financement stable et autonome de l’EPSR dans le cadre de ses missions de santé publique territoriale.
Le produit de la TSS est affecté au financement de l’Établissement public de santé régional (EPSR) mentionné à l’article 4.
Cette mesure est instaurée à titre expérimental pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi. Cette disposition s’inscrit dans le cadre du droit à l’expérimentation reconnu aux collectivités territoriales par l’article 72 de la Constitution, et notamment dans la logique des compétences dévolues aux collectivités à statut particulier, telles que le Conseil de Paris. »
Article 2
Après l’article L.4211-1 du Code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L.4211-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L.4211-1-1. – La Région Bretagne peut affecter le produit de la TSS mentionnée à l’article 1407 ter du code général des impôts au financement :
1° D’un Établissement public de santé régional (EPSR) créé à titre expérimental, chargé de coordonner la gestion des fonds issus de ces taxes et d’organiser, en lien avec l’ARS, des services régionaux de santé, d’hygiène et de désinfection ;
2° De contrats de travail de médecins exerçant dans le cadre du service public hospitalier ou des centres de santé gérés par la région ou les collectivités locales ;
3° De structures de santé associatives à but non lucratif, reconnues d’intérêt général, intervenant sur son territoire ;
Article 3
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent projet de loi, notamment les conditions de mise en œuvre de la surtaxe, les obligations de transparence financière, les critères d’éligibilité des structures bénéficiaires, ainsi que les missions et le fonctionnement de l’Établissement public de santé régional (EPSR).
Article 4
Il est créé, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, un Établissement public de santé régional (EPSR) en Bretagne, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
L’EPSR est un établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle conjointe de la Région Bretagne et de l’État. Il a pour mission :
1° La gestion des recettes de la taxe sanitaire spéciale (TSS) mentionnée à l’article 1 ;
2° La création, la gestion ou la contractualisation avec des structures assurant des services publics de santé, d’hygiène et de désinfection à l’échelle régionale ;
3° La coordination, en lien avec l’Agence régionale de santé (ARS), des politiques sanitaires territoriales relevant de son périmètre d’intervention ;
4° Le financement de dispositifs de formation initiale ou continue en médecine, soins infirmiers et professions paramédicales, au bénéfice de candidats originaires de la Bretagne, conditionné à un engagement contractuel d’exercice professionnel d’une durée minimale de dix ans sur le territoire régional ;
5° Le financement et la gestion de services publics régionaux de désinfection, d’hygiène et de santé, destinés à lutter contre l’habitat insalubre et les conditions de logement portant atteinte à la salubrité publique.
L’organisation, les modalités de gouvernance, les règles budgétaires et les rapports avec les autres services publics sont définis par décret en Conseil d’État. Un conseil d’administration assure sa gouvernance, composé notamment de représentants de la Région, de l’État, de l’ARS, des collectivités locales et d’experts issus des secteurs sanitaires et médico-sociaux.