Individualisation de tous les minima sociaux
Texte législatif
Individualisation de tous les minima sociaux
Les minima sociaux sont attribués par foyers, et non individuellement. Ainsi, une personne relevant du RSA se trouvera privée de revenus propres si son conjoint dispose même de faibles revenus. Autre conséquence : un foyer comprenant une mère seule et deux enfants à charge – soit trois personnes dont deux engagent des frais plus importants qu’un adulte – ne touchera pas trois fois mais seulement 1.8 fois le montant d’un RSA individuel.
Alors même que les minima sont calibrés pour être insuffisants pour vivre, ce mode de calcul induit et aggrave les situations de dépendance économique au sein du foyer (au sein du couple ou entre générations), avec pour résultat de priver d’autonomie des millions de personnes et de favoriser les contextes propices à toutes formes d’exploitation et de violences intrafamiliales, qu’elles soient physiques, psychiques et économiques.
Le calcul des minima aboutit ainsi à priver les personnes des moyen matériels nécessaires pour (re)conquérir leur autonomie et, le cas échéant, se protéger d’un foyer délétère – y compris pour celles et ceux qui restent économiquement dépendant•e•s d’un foyer qu’elles ou ils ont matériellement quitté.
Ajoutons que cet état de fait ne saurait aucunement favoriser l’insertion dans l’emploi, puisque l’enclavement matériel et l’étranglement économique, loin d’aiguillonner une reprise d’activité, entravent au contraire toute possibilité d’engagement dans la vie sociale et économique en favorisant l’indisponibilité tant géographique que matérielle, pratique et même psychique.
Il va sans dire qu’il y a là un enjeu très important en termes d’égalité femmes-hommes. En effet, parmi les foyers allocataires du RSA, on compte une moitié de femmes seules (pour 30% d’hommes seuls et 20% de couples), dont 60% ont des personnes, en général des enfants, à charge (5% pour les hommes seuls, 30% pour les couples). On peut estimer par ailleurs qu’environ 45% des femmes seules avec personnes à charge dépendent du RSA, contre 16% des hommes seuls avec personnes à charge – qui sont du reste plus de cinq fois moins nombreux. Ces quelques chiffres témoignent assez d’une écrasante dissymétrie de genre.
Il est ainsi clair que les conséquences et le poids de la familialisation du RSA reposent massivement sur les épaules de femmes contraintes de prendre en charge les membres de leurs familles avec des revenus dérisoires.
Une défamilialisation des minima sociaux entrainerait leur augmentation mécanique pour de nombreux foyers. Si une telle mesure serait loin de suffire à résoudre tous les problèmes des personnes qui en dépendent – notamment concernant l’accès au logement, aujourd’hui largement conditionné au travail, y compris dans le parc social – elle constituerait cependant une étape symboliquement importante, qui consacrerait le primat de l’autonomie de l’individu sur les déterminismes familiaux, et l’engagement collectif de la société pour l’égalité femmes-hommes.