Réduire les écarts de pensions entre les femmes et les hommes en proposant aux couples d’opter pour un mode solidaire de cotisation « retraite ».
Texte législatif
Réduire les écarts de pensions entre les femmes et les hommes en proposant aux couples d’opter pour un mode solidaire de cotisation « retraite ».
LE CONSTAT INITIAL
Pour diverses raisons, les carrières professionnelles des femmes subissent de plus fréquentes interruptions que celles des hommes, avec pour conséquences des promotions moins rapides et des progressions salariales inférieures. Cette situation résulte principalement des choix opérés au sein des couples pour accompagner le parcours des enfants.
Les droits à la retraite des femmes s’en trouvent pénalisés, tant sous l’angle de l’âge auquel elles peuvent prétendre à un taux plein (du fait des périodes d’inactivité ou de travail à temps partiel), que sous l’angle du niveau financier des prestations versées (du fait de moindres évolutions salariales liées à l’intermittence professionnelle).
De nombreuses femmes qui vivent une séparation après avoir consacré des périodes importantes de leur vie à l’éducation de leurs enfants se trouvent ainsi dans une situation précaire qui s’aggrave mécaniquement lors de leur retraite. Or, en France, près d’un couple sur deux se sépare.
Le différentiel est très conséquent, puisque les retraites des femmes sont en moyenne de 40% inférieures à celles des hommes, écart réduit à 28% par un effet de rattrapage généré par les pensions de réversion (chiffres émanant de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques)
LE PROJET
Pour réduire ces inégalités hommes/femmes face à la retraite, la loi pourrait introduire de nouveaux droits dans les dispositions qui régissent l’union des couples. Il s’agirait d’agir sur la répartition des cotisations retraites payées par chaque membre du couple.
Actuellement, celui ou celle qui perçoit des revenus du travail cotise pour sa retraite, et accumule progressivement les droits qui détermineront le niveau de sa pension. Les périodes d’inactivité qui s’accompagnent de l’arrêt des cotisations, affectent directement et individuellement ces droits, malgré les dispositifs de bonification existants.
Plutôt que rester dans ce modèle individualisé, la loi pourrait proposer aux couples qui le souhaitent un modèle mutualisé. Les cotisations retraite payées par chaque membre du couple seraient affectées par moitié à l’un et à l’autre de telle sorte qu’elles alimenteraient les droits à retraite des deux parties de façon équivalente. Cette solidarité consentie au sein du couple permettrait de répartir équitablement les effets des périodes d’inactivité sur les niveaux de pension de chacune des deux parties.
Dans cette hypothèse, les trimestres de bonification pour enfant seraient également répartis entre les deux membres du couple.
QUELQUES CONDITIONS D’APPLICATION
Cette mesure devrait pouvoir s’appliquer dès lors que les deux membres d’un couple le demandent, et tant qu’elle n’est pas dénoncée par l’une des deux parties, les droits acquis au cours de la période d’application étant inaliénables.
Au plan juridique, les mesures adéquates devraient être prises pour permettre l’accès du plus grand nombre de couples à ce dispositif, qu’il s’agisse d’unions formalisées ou d’unions libres.
LES LIMITES DU PROJET
Si cette mesure est de nature à répondre en partie au constat d’inégalité hommes/femmes face à la retraite, chacun notera qu’elle ne résout pas pour autant la question plus générale de la précarité liées aux « petites retraites ». Elle apporte plus d’équité hommes/femmes face à cette précarité, mais doit s’accompagner d’autres mesures portées par le projet d’ensemble de la loi sur les retraites, afin d’instaurer un niveau minimal de retraite à taux plein suffisant.
Par ailleurs, elle n’augmente pas le montant cumulé des retraites que toucherait le couple à échéance de la liquidation des droits. Elle permet seulement un rééquilibrage des montants affectés à chaque membre du couple.
UNE MESURE DONT LA PORTÉE DÉPASSE LARGEMENT L’INTENTION INITIALE
Si la mesure proposée est de nature à améliorer l’équité femmes/hommes face aux montants des pensions de retraite, dans une société ou l’espérance de vie en retraite est longue (de l’ordre de 20 ans), il paraît intéressant de noter qu’elle s’accorde également en de nombreux points avec les enjeux et les attentes de la société contemporaine:
- Cette mesure peut être qualifiée d’universelle. En effet, la grande majorité des adultes vit en couple pendant des périodes importantes de la vie. Chaque français, ou presque, est donc potentiellement concerné.
- Il s’agit d’une mesure d’égalité hommes/femmes. Elle s’applique de façon symétrique, et compense les périodes d’inactivité des hommes tout autant que celles des femmes.
- C’est une mesure ancrée dans la non discrimination, puisqu’elle s’applique à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels, en union libre ou formalisée.
- Cette mesure facilite les alternances entre périodes travaillées et non travaillées au sein des couples, car elle les sécurise.
- Cette mesure est souple et facilement réversible, puisqu’il suffit que les deux membres du couple le souhaitent pour entrer dans le dispositif, et que la sortie est immédiate dès que l’un des deux le demande. Cette mesure est donc tout à fait compatible des recompositions familiales, et laisse une liberté de repositionnement à chaque instant de la vie.
- Cette mesure ne rentre pas en conflit avec les dispositifs existants (prestation compensatoire, bonifications pour enfant, pensions alimentaires, etc…). Elle les complète en offrant une option supplémentaire.
- C’est une mesure de grande solidarité au sein des couples, car elle permet de lisser les effets de toutes les dissymétries de carrière et de revenus sur le montant des pensions de retraite perçues in fine par chaque membre du couple. C’est donc une forme « d’assurance solidaire » au sein des couples. On peut escompter de cette « solidarité intime » (par opposition à la « solidarité institutionnelle ») qu’elle ait des retombées sociétales sous la forme de comportements plus solidaires dans le quotidien des citoyens.
- Cette mesure est à coût global très limité. Elle ne modifie pas le montant cotisé par les différents contributeurs (employé, employeur, puissance publique) et n’agit que sur la répartition des pensions versées.