MANIFESTE POUR LA DÉFENSE ET LA PRÉSERVATION DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES AU COLLÈGE
Texte législatif
MANIFESTE POUR LA DÉFENSE ET LA PRÉSERVATION DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES AU COLLÈGE
Madame, Monsieur,
Début décembre 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation Nationale, annonce son « choc des savoirs » : entre autre, des groupes de niveaux devront être mis en place en mathématiques et français pour les classes de 6ème et 5ème, avec effectif réduit pour le groupe des élèves les plus en difficultés.
Il ne nous était pas possible d’imaginer une seule seconde que cette réforme, ce choc des savoirs, pouvait se faire à moyens constants.
Et pourtant, c’est ce que nous vivons aujourd’hui dans nos établissements.
Aucun moyen n’a été affecté à la création des groupes en mathématiques et français en 6ème et en 5ème.
Autrement dit, pour un gâteau de même taille, si l’on veut augmenter la part de Pierre, il n’y a pas d’autre possibilité que de diminuer les parts de Paul et Jacques.
Concrètement, cela se traduit par la suppression des groupes à effectifs réduits dans plusieurs matière, et en particulier en sciences (Sciences et Vie de la Terre, Physique-Chimie, Technologie). Très clairement, cela signifie qu’il ne sera plus possible de manipuler correctement au collège, en toute sécurité.
Sauf que la science est une matière expérimentale.
Il ne sera donc plus possible d’enseigner les sciences au collège.
A l’heure où M. Macron veut réindustrialiser la France, à l’heure où nous sommes tous conscients que nous manquons d’ingénieurs et de techniciens, à l’heure où nous aimerions que davantage de filles empruntent les voies scientifiques, le gouvernement est en train de détruire petit à petit les sciences au collège :
- Perte depuis déjà plusieurs années des techniciennes de laboratoire qui préparaient, entretenaient et géraient le matériel. La conséquence a été la réduction du nombre d’expériences faites en classe par les élèves, car les professeurs n’ont pas le temps de gérer leurs cours ET le travail qui auraient dû être fait par la technicienne de laboratoire.
- Perte de l’heure de Technologie en 6ème l’année dernière, ce qui est aberrant au regard de la place que prend la technologie dans nos sociétés aujourd’hui, et au regard du fait que les élèves de 6ème ne maitrisent pas l’outil informatique.
- Perte maintenant des groupes sciences à effectifs réduits, qui permettaient aux élèves de manipuler dans de bonnes conditions de sécurité. Or, les professeurs sont responsables de la sécurité de leurs élèves. La partie expérimentale en classe sera donc forcément encore réduite, voire va disparaitre totalement.
Au final, la partie expérimentale qui faisait l’attrait des sciences au collège est supprimée. Or c’est ce qui permettait de rendre la matière attractive et accessible aux élèves : c’est en manipulant et en observant que l’on comprend ! De plus, cela permettait de placer les élèves dans un contexte d’apprentissage différent (moins scolaire et théorique, plus manuel et pratique), dont les élèves sont demandeurs car ils sont conscients que cela les aide à comprendre et progresser. On ne pourra plus répondre à cette demande.
Encore une fois : la science est une matière expérimentale par définition.
Privée de sa partie expérimentale, les sciences deviennent des matières compliquées, rébarbatives qui ne vont clairement plus susciter les vocations.
Pour nous, professeurs de sciences, nous ne trouvons plus aucun intérêt à enseigner notre matière sur papier ou via des logiciels de simulation. C’est un simulacre de science !
En plus de la suppression de la partie expérimentale, la suppression des groupes sciences entraine l’augmentation de fait du nombre d’élèves que chaque professeur de science aura à gérer (entre 20% et 50% suivant les établissements). En classe, cela ralentit les apprentissages. En dehors de la classe, la charge de travail liée au suivi des élèves (correction des copies, rédaction des bulletins, rencontres avec les parents) explose.
Enfin, la suppression des groupes de sciences se traduit par la baisse des heures postes pour les professeurs des matières scientifiques, avec des conséquences ayant un impact important tant sur le plan professionnel que personnel : nécessité d’effectuer un temps partagé dans un autre établissement, nécessité d’enseigner une autre matière (et donc de construire tous le programme de cette nouvelle matière), voire suppression du poste et obligation d’être muté dans un autre établissement …
Quand l’Éducation Nationale va-t-elle comprendre que ses personnels (professeurs, personnels de direction, agents, techniciens) ne sont ni des pions, ni des machines ? Et que le temps et l’énergie consacrés à la mise en place de réformes versatiles et non financées ne profitent pas à ceux pour qui ce temps et cette énergie sont si importants : les élèves.
Quand enfin comprendrez-vous que nous construisons avec notre éducation la société de demain, et que cela ne peut se faire sans moyens et sans investissement ?